Capital risque, épisode 1 : L'histoire

Bastien Barral
Responsable des investissements - Startup
ven. 9 déc. 2022, 10:37
Le capital risque est une des nombreuses formes de financement qui existent dans l’écosystème financier actuel et adressant des profils d’entreprises bien particuliers que l’on qualifie de sociétés early-stage. Ces structures, extrêmement risquées par essence, sont généralement très jeunes et portent des projets innovants. A leurs débuts, en phase d’amorçage, ces jeunes sociétés plus communément appelées « start-up », présentent généralement de fortes pertes (cash-flows négatifs), une taille relativement limitée, une valeur qui repose dans ses actifs incorporels (brevets ou savoir-faire) et des perspectives de croissance et de rendement extrêmement élevées. Bien qu’il fasse partie, désormais, de notre quotidien d’assister à des levées de fonds de plusieurs millions voire milliards d’euros et que nous rêvons constamment à l’émergence de ces fameuses créatures issues des plus grandes histoires fantastiques (Licorne, Decacorne, Pentacorne… et bientôt le Dahu) cela n’a pas toujours été le cas.
La genèse du capital risque
Revenons ensemble sur la fabuleuse histoire de l’industrie du capital risque…
Une fois n’est pas coutume, d’après la littérature, nous devons l’invention de cette formidable industrie à un Français, Georges Doriot, considéré comme le père du capital risque et ayant étudié à Harvard. Ce dernier point, nous évitera de passer pour des chauvins même si nous pensons que tout est une question d’ADN. En effet, l’American Research and Development Corporation (ARD) est la toute première société de capital-risque à voir le jour. Elle a été créée en 1946 dans le Massachussetts et dirigée par George Doriot, Karl Compton et Ralph Flanders. Elle avait pour but de financer de jeunes sociétés portant des projets innovants. Cela permettait ainsi de vraies percées scientifiques ou techniques supposant d’intervenir sur des projets très amont (financement massif de la R&D).
Certaines histoires content que c’est à la fin de la guerre, que le Pentagone proposa à Georges de prendre la direction d’un nouveau département. Son objectif était d’investir dans des projets ou entreprises à fort potentiel d’innovation liés aux activités militaires. Il refusera cette proposition. Toutefois le modèle de financement de l’innovation développé par l’armée américaine lui donnera l’idée d’étendre ce concept à l’économie générale.
Une rupture synonyme d’accélération
Les fonds levés par ARD provenaient de personnes physiques, sociétés privées, compagnies d’assurances et d’institutions universitaires. A l’époque, ceci représentait déjà un changement de paradigme puisque les familles riches n’étaient plus exclusivement sollicitées. Les sociétés d’investissement étaient également encadrées par une règlementation qui n’était pas forcément adaptée à ce nouveau modèle de financement (Investment Compagny Act de 1940). La véritable rupture, permettant une accélération de ce type d’investissement, est apparue avec le Small Business Investment Act de 1958. Ce dernier permettant d’aider le financement des petites entreprises par les sociétés de capital-risque (statut SBIC). Il permet alors de gommer l’asymétrie qui existait sur les marchés des capitaux pour le financement long terme des petites entreprises innovantes sans pour autant remplacer les banques.
A partir des années 60, les sociétés de capital-risque ont concentré leurs activités d’investissement principalement sur le démarrage et l’expansion des entreprises. Poussées probablement par un important contexte politique afin de concurrencer l’Union Soviétique (guerre économique et technologique). Le plus souvent, ces entreprises exploitaient des percées dans les technologies électroniques, médicales ou informatiques. En conséquence, le capital-risque est devenu presque synonyme de financement technologique.
Le financement du risque
Le capital risque est une classe d’actifs plus volatile et incertaine que les autres types d’investissements. Ce type d’actif est fortement apprécié en période de forte croissance mais malheureusement très impacté lors des crises et périodes de récessions. Nous avons notamment pu voir ces effets en 2003 avec l’éclatement de la bulle internet et une aversion au risque grandissante chez les investisseurs. De manière contradictoire, ce mode de financement prend tout son sens dans ces périodes. Le financement du risque et l’opportunité de rendement ont fait apparaître cette classe d’actifs et plus globalement l’industrie du capital risque.
retrouvez l’interview de Mathilde Iclanzan sur finmag.fr
Références à lire :
Creative Capital: Georges Doriot and the Birth of Venture Capital (Spencer E.Ante)
The First Venture Capitalist: Georges Doriot on Leadership, Capital, & Business Organization (Udayan Gupta)
Capital-risque et financement de l’innovation: Évaluation des startups, modes de financement, montages (Faycal Hafied)