Les garanties et sûretés en crowdfunding immobilier

Frédéric RAYNAL
Expert en crowdfunding
ven. 28 juil. 2023, 09:33
Si le financement participatif immobilier continue de se développer rapidement, et ce malgré un contexte économique global contrasté, ce n’est pas un hasard. En effet, les plateformes de crowdfunding ont su maintenir un couple rendement-risque attractif et travaillent sans cesse à la sécurisation des opérations.
Hypothèque, caution, nantissement, garantie à première demande… aujourd’hui, la plupart des projets proposés aux investisseurs sont accompagnés d’une ou plusieurs garanties et/ou sûretés. Quels sont ces mécanismes ? Comment protègent-ils les souscripteurs en cas de défaillance ?
Définitions : garantie ou sûreté ?
Utilisées parfois indifféremment dans le langage courant, bien que les deux termes soient proches, il existe bien une différence entre une garantie et une sûreté sur le plan juridique :
Les sûretés sont des outils juridiques destinés à assurer le règlement des créances, même si le débiteur ne dispose pas des liquidités ou de biens d'une valeur suffisante pour couvrir les montants dus aux créanciers. Généralement, on affecte un bien à la sûreté qui permettra, après sa vente, de payer le créancier en cas de défaillance du débiteur. Une sûreté implique, la plupart du temps, un passage devant notaire ou un enregistrement auprès des services de l’État ;
La garantie est plutôt considérée comme une obligation, matérialisée par la signature d’un contrat entre les parties. Le débiteur garantit ainsi la bonne exécution d'une obligation (dans notre cas, le paiement des intérêts et le remboursement du capital investi).
La maîtrise du risque en crowdfunding immobilier
Comme tout investissement à haut potentiel de rendement, le financement d’opérations en crowdfunding immobilier présente des risques : retards de livraison de chantier, dépassement du budget, commercialisation inférieure aux prévisions, défaillance du porteur de projet (promoteur, marchands de biens, etc.). Ces difficultés peuvent entraîner une perte totale ou partielle de capital, un rendement plus faible que prévu ou encore un retard dans le planning de remboursement des investisseurs.
Pour limiter ces risques, WiSEED, ainsi que beaucoup de plateformes, appliquent un processus de sélection sévère, à l’aide d’outils d’analyse et d’audits sur de nombreux points (administratifs, comptables, juridiques, montage financier, solvabilité des sociétés liées au projet, etc.) qui permettent de retenir uniquement les meilleurs projets. Enfin, pour renforcer la solidité des dossiers retenus, la plateforme travaille à la mise en place de garanties et/ou de sûretés avec le porteur de projet.
Les principales garanties et sûretés utilisées en crowdfunding immobilier
Pour un investisseur, la sécurité d’une opération de crowdfunding immobilier est l’un des critères essentiels à prendre en compte avant d’investir… mais encore faut-il comprendre comment fonctionnent les garanties et sûretés présentées. C’est parti !
La fiducie
La fiducie est un contrat par lequel le débiteur (emprunteur) accepte de transférer des droits ou des biens à un fiduciaire (avocat, établissement de crédit, société d'assurances, etc.) qui pourra les utiliser au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires (les investisseurs dans le cadre du crowdfunding immobilier) en cas de défaillance de l’emprunteur.
La fiducie peut être activée sans l’intervention d’un juge et sans délai : un avantage en comparaison avec une hypothèque qui nécessite une saisie immobilière ou une décision de justice. De plus, la fiducie est exclusive, un seul contrat peut être mis en place par bien et doit être enregistré au Registre National des Fiducies. Ainsi, les investisseurs en crowdfunding ne sont pas « en concurrence » avec d’autres créanciers.
Toutefois, la mise en œuvre d’une fiducie peut être complexe et coûteuse et le choix du fiduciaire est décisif, il doit être compétant et indépendant pour gérer correctement les biens transférés. De plus, la fiducie n’a d’intérêt que si la valeur du bien concerné est au moins équivalente au montant de l’emprunt.
Les hypothèques
L’hypothèque inscrite
Une hypothèque est un acte notarié enregistré au registre des hypothèques qui permet à un prêteur (ici les investisseurs en crowdfunding immobilier) de faire saisir un bien immobilier du porteur de projet (celui concerné par l’opération ou un autre) pour obtenir le remboursement de sa dette en cas de défaut.
Une hypothèque inscrite peut être de « premier rang » et donc prioritaire sur les autres créanciers, ou de « second rang » si elle suit une autre hypothèque, et ainsi de suite. Le rang de l’hypothèque est donc une information clé : bien souvent, ce sont les banques qui participent au financement du projet qui obtiennent le plus haut niveau. De plus, il est important que la valeur du bien hypothéqué couvre en totalité le montant prêté et que le bien soit situé dans une zone où la vente sera facile.
L’hypothèque non inscrite
Comme une hypothèque classique, il s’agit d’un acte signé devant notaire, mais qui n’est pas enregistré au registre (aucuns frais d’inscription par conséquent). L’inscription par le notaire interviendra uniquement en cas de défaut de l’emprunteur, sur demande du créancier. Le rang de l'hypothèque ne sera donc connu qu’au moment de l’enregistrement, au risque qu’un autre bénéficiaire soit déjà inscrit.
Bon à savoir : pour renforcer une hypothèque non inscrite, il est parfois possible d’ajouter une clause d'inaliénabilité, qui interdit au propriétaire d’aliéner le bien, c’est-à-dire de le vendre ou de l'hypothéquer, sans lever les hypothèques déjà en place.
La garantie à première demande (GAPD)
La GAPD est un contrat passé entre le créancier et un garant, souvent la holding ou une autre société du groupe immobilier auquel appartient la société qui porte le projet en lui-même. Le garant s’engage à payer une somme définie au créancier dès la première demande, sans pouvoir s’y opposer. En effet, il s’agit d’une garantie autonome, indépendante de l’objet de l’emprunt.
La ou les GAPD signées (il peut y en avoir plusieurs par projet) offrent une priorité sur les autres créanciers en cas de procédure collective et permettent d’être remboursé sans formalité et rapidement en cas de défaillance du porteur de projet. Toutefois, la GAPD ne pourra être actionnée en cas de défaut total de l’opérateur (holding) et dépend fortement de la solvabilité du garant. C’est pourquoi, WiSEED étudie également la santé financière des garants avant de contracter une GAPD.
La caution simple ou solidaire
Sur le même principe que la location d’un logement, on parle de caution lorsqu’un tiers (le garant) s'engage à rembourser le créancier (ici les investisseurs) en remplacement de l’emprunteur si celui-ci ne peut pas honorer son engagement. Dans le cadre du crowdfunding immobilier, le ou les garants sont souvent des personnes physiques (gérant de la société qui porte le projet, associé de la holding de l’opérateur, etc.).
On distingue la « caution simple » qui n’intervient qu’après confirmation de l’insolvabilité de l’emprunteur, de la « caution solidaire » qui permet au créancier de réclamer le versement des mensualités au garant en cas de défaut de paiement du porteur de projet, sans avoir contrôlé l’insolvabilité de l’emprunteur au préalable, cela accélère donc les démarches.
À noter : la plateforme de financement participatif doit notamment s’assurer que le garant qui signe la caution a bien la capacité financière pour se substituer à l’emprunteur en cas de défaut de celui-ci et qu’il ne s’est pas déjà porté caution sur de nombreux projets.
L’ordre irrévocable de paiement notarié
Un ordre irrévocable de paiement est un acte signé devant notaire. En cas de vente du bien concerné, il prévoit que l’emprunteur ne pourra pas annuler le virement destiné à rembourser les investisseurs. Toutefois, ce type de garantie ne peut être enclenché qu’après le paiement des créanciers de premier rang… si les fonds issus de la vente du bien sont insuffisants, l’ordre irrévocable de paiement ne pourra pas être exécuté.
Malgré tout, il est possible de définir un pourcentage qui sera reversé aux investisseurs à chaque vente s’il s’agit de plusieurs biens ou vendus à la découpe par exemple.
Le nantissement
Le nantissement est une garantie « en nature » : l’emprunteur met en gage des comptes-titres, des parts sociales, des immeubles, etc. (tout en gardant la propriété) qui pourront être vendus par le créancier afin de se faire rembourser en cas de défaut. Le nantissement prend la forme d’un contrat écrit et doit être déclaré au registre du commerce et des sociétés (RCS) dans un délai de 15 jours après sa signature.
Pour mettre en place ce type de garantie, il est donc important pour les plateformes de s’assurer de la valeur et de la volatilité du nantissement, notamment pour les comptes-titres : s’agit-il d’actions de grandes entreprises stables ou de PME qui connaissent de fortes fluctuations de cours ? La valeur du portefeuille sera-t-elle suffisante d’ici quelques mois ou années pour couvrir le montant de l’emprunt ? etc.
En conclusion
Les garanties et sûretés doivent être appréciées au cas par cas, selon le profil de l’opération de financement, le type de porteur de projet ou encore la solidité financière de l’emprunteur… chacune comporte des avantages et inconvénients.
Cependant, même si ces garanties permettent d’augmenter la sécurisation des opérations de crowdfunding immobilier, nous restons convaincus que la priorité doit rester la sélection rigoureuse de projets maîtrisés par les opérateurs et aux fondamentaux solides afin de garder uniquement les meilleurs dossiers.